À la recherche de l’ancêtre commun de tous les Homo sapiens



Conférence du 5 octobre 2020 réalisée avec le paléoanthropologue Aurélien Mounier. Aurélien Mounier présente les fouilles …

Voici le transcript de la vidéo :

Paléoanthropologue Aurélien Mounier présente les fouilles et les recherches sur l’origine de l’homme moderne.


Introduction

Cette thématique de l’origine de l’homme moderne vient d’un article que nous avons publié avec des collègues, notamment une collègue de l’Université de Cambridge, en 2019. Nous avons reconstruit un ancêtre hypothétique pour l’ensemble des hommes modernes que vous voyez ici sur la diapositive.

Avant de parler de cela, je vais vous parler un peu de mon travail de paléoanthropologue, de la façon dont nous travaillons, ainsi que des problématiques et des limites de notre discipline. Nous ferons un tour sur les concepts, les interprétations que nous faisons des données disponibles, les limites de la discipline. Nous prendrons un exemple pour montrer la structure de notre travail, la manière dont nous travaillons, puis je parlerai des moyens que nous avons pour améliorer notre compréhension de l’évolution humaine, notamment les fouilles archéologiques auxquelles je participe, notamment au Kenya, et enfin des méthodes de modélisation de l’évolution qui ont conduit à cette publication de 2019 sur l’origine de l’homme moderne.


La Paléoanthropologie et ses Méthodes

La paléoanthropologie, comme tout le monde le sait, est l’étude de l’homme, des fossiles, etc. J’aime décrire la paléoanthropologie comme l’invention de notre histoire évolutive. Comment cela se passe-t-il en général ?

Découverte des Fossiles

La découverte d’un fossile est souvent constituée de fragments osseux assez mal conservés, de petits morceaux qu’il faut reconstruire pour obtenir un objet à peu près complet. À partir de cet objet, nous pouvons discuter et décrire sa morphologie. Ensuite, nous tentons de classer ces fossiles en différentes catégories disponibles, telles que les Néandertaliens, Homo erectus, Homo sapiens, etc. Chaque catégorie est une sorte de boîte dans laquelle nous essayons de placer le nouveau fossile découvert.

Classification et Interprétation

Les critères définissant ces catégories sont principalement crâniens ou dentaires, surtout pour la fin de l’évolution humaine. Si le nouveau fossile ne correspond à aucune catégorie existante, nous inventons une nouvelle espèce, que nous nommons et plaçons dans la classification.

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Une fois l’espèce classifiée, il faut interpréter et donner une histoire évolutive à cette espèce, en fonction des connaissances actuelles sur l’évolution humaine. Nous intégrons également des données provenant d’autres disciplines, comme les paléoenvironnements, qui sont cruciales pour comprendre l’histoire des populations.


Exemple d’Homo heidelbergensis

Prenons l’exemple de Homo heidelbergensis, une espèce importante sur laquelle j’ai travaillé durant ma thèse. Cette espèce a été inventée au début du 20e siècle à partir de la découverte d’une mandibule dans une carrière en Allemagne. Le professeur Layton a systématiquement collecté les fossiles trouvés par les ouvriers pendant des décennies.

Description Morphologique

La mandibule de Marware a été nettoyée et décrite morphologiquement. Elle présente certaines similarités avec les Néandertaliens européens, mais aussi des caractéristiques plus dérivées ressemblant à l’homme moderne, notamment des dents relativement petites.

Classification et Phylogénie

Layton a comparé ce spécimen avec des échantillons de Néandertaliens, Homo sapiens et grands singes. Ne correspondant à aucune catégorie existante, il a inventé Homo heidelbergensis. Cette espèce a ensuite été intégrée dans l’histoire évolutive de l’homme, considérée comme un chaînon entre les grands singes et les Néandertaliens.


Projets de Fouilles Archéologiques en Afrique

Projet In Africa

Depuis une dizaine d’années, je participe au projet In Africa, lancé en 2010 dans le nord du Kenya, à l’ouest du Turkana. Ce projet vise à s’intéresser à l’évolution de l’homme entre 100 000 et 50 000 ans en Afrique, une période pour laquelle les données sont rares. À ce jour, plus de 18 sites ont été identifiés, avec des fossiles d’homininés trouvés sur presque tous les sites, les plus anciens datant de 500 000 ans et les plus récents de 5 000 ans.

Nouveaux Projets

Un second projet, plus récent, s’intéresse à des périodes beaucoup plus anciennes, la transition entre le Pleistocène inférieur et moyen, il y a environ 1,25 à 0,75 million d’années. Les premières prospections ont commencé en 2017, et le projet est financé depuis 2020. Les fouilles se déroulent dans des environnements extrêmement désertiques, avec des températures pouvant atteindre 60°C au sol, rendant les conditions de travail très difficiles.

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Modélisation de l’Évolution Humaine

Pour améliorer notre compréhension de l’évolution humaine, nous avons développé des méthodes de modélisation de l’évolution du phénotype. Cela consiste à augmenter artificiellement l’enregistrement fossile pour tester des hypothèses. Nous utilisons des outils morphométriques géométriques en trois dimensions pour décrire la morphologie complète des spécimens.

Analyse Cladistique

L’analyse cladistique vise à hiérarchiser les espèces en identifiant des caractères dérivés, hérités d’un ancêtre commun. Cela nous permet de reconstruire l’histoire phylogénétique des populations humaines.

Reconstruction de l’Ancêtre Hypothétique

En intégrant la chronologie et les données morphologiques, nous calculons la morphologie de l’ancêtre hypothétique en trois dimensions. Cette morphologie est ensuite comparée avec les fossiles de l’enregistrement fossile pour valider nos hypothèses.


Hypothèses sur l’Origine de l’Homme Moderne

Modèles Traditionnels

À la base, deux modèles traditionnels étaient en opposition :

  1. Modèle Multirégional : Évolution graduelle et régionale sur deux millions d’années avec des populations séparées sur chaque continent.
  2. Modèle de la Sortie d’Afrique : Origine africaine récente il y a environ 200 000 ans, avec une expansion globale et le remplacement des populations locales.

Modèle Complexe Actuel

Depuis les années 2000, de nouvelles méthodes et résultats génétiques ont montré que l’origine de l’homme moderne est plus complexe, impliquant plusieurs sorties d’Afrique et des flux génétiques entre les populations locales et les nouvelles populations arrivantes.

Résultats de Notre Étude

Notre étude suggère que l’origine de l’homme moderne implique des populations d’Afrique de l’Est et du Sud qui se sont mélangées. L’Afrique du Nord a également joué un rôle important dans l’évolution des lignes est-européennes et des Néandertaliens, notamment par des flux génétiques significatifs.


Conclusion

L’origine de l’homme moderne est un processus complexe impliquant plusieurs lignées en Afrique, des mélanges génétiques et des flux génétiques avec d’autres populations. Nos recherches continuent avec des fouilles archéologiques et des méthodes de modélisation pour affiner notre compréhension de cette évolution.


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