Retrouvez les intégrales de l’émission sur FranceTV : Ils sont partis à la …
Transcript de la Vidéo :
Sophie : Donc, en fait, c’est un peu par hasard que vous découvrez l’existence de ce grand frère. Mais comme elle m’avait donné un livret de famille, j’ai vu le prénom Bertrand. À quel moment ce petit frère a-t-il ressurgi dans votre vie ?
Invitée : Quand j’ai eu ma fille, elle pleurait tout le temps. Donc, on est allé voir une ostéopathe qui a manipulé Alix et qui m’a dit qu’il y avait beaucoup de morbidité chez ce bébé et qu’un enfant était mort dans cette famille. Là, d’un coup, je me souviens de l’histoire de Bertrand. Je lui dis : « Ben, effectivement, ma mère a perdu un enfant avant moi. » Accablement. Vous êtes interrogée sur l’histoire de votre famille.
Sophie : Malheureusement, dans ma famille, il y a des deuils. Ça commence par une cousine qui se suicide, et un drame qui va impliquer directement la mort de mon père d’un jour à l’autre. Comment savoir ? Des crises sans voix. J’ai consulté tout de suite un médecin qui a décelé une dépression carabinée. Là, j’ai commencé à vouloir trouver des réponses. Avec beaucoup de dialogues avec un médecin, j’ai compris que c’était un lien avec mon passé.
Invitée : À 18 ans, il y a eu une dispute familiale. Je l’ai vécue comme un abandon. Pour pallier, en fait, à ce manque, j’ai décidé justement de comprendre d’où je venais pour savoir où j’allais. Je me suis rendu compte que mon arrière-arrière-grand-père, Camille, avait été abandonné en PACA. Je l’ai cherché toute sa vie et j’ai retrouvé sa mère. Ça m’a permis de trouver ma place, que ce soit au sein de ma famille ou dans ma profession. Je suis en paix avec moi-même.
Transition par Sophie :
Bonjour à tous et merci d’être avec nous cet après-midi sur France 2. Nous avons tous en nous ce désir de savoir d’où l’on vient et de connaître l’histoire de notre famille. Les Français sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à s’intéresser à la généalogie, et pas seulement les jeunes retraités. Nos ancêtres nous transmettent bien sûr un patrimoine génétique, parfois même une ressemblance, mais pas seulement. Si nous héritions aussi inconsciemment de générations de leurs souffrances et de leurs traumatismes, pour mieux comprendre notre propre histoire, il faut parfois découvrir celles de nos aïeux. C’est justement ce qui a permis à nos invités aujourd’hui de faire beaucoup de chemin sur eux-mêmes.
Je vous demande donc de les saluer, ce que je fais, et je vous salue également. Bienvenue dans « Ça commence aujourd’hui ».
Sophie : Bonjour à tous et merci infiniment d’avoir accepté de témoigner sur ce plateau, de nous raconter votre histoire, celle de vos ancêtres et ce qu’ils vous ont révélé de votre vie.
Invitée : Merci pour votre confiance. Je présente ma tâche à expliquer la psychogénéalogie, qui va pouvoir également éclairer tous vos parcours et voir toutes les questions que vos aïeux ont soulevées dans vos propres histoires. D’ailleurs, ça s’appelle un moment un peu compliqué à prononcer : la psychogénéalogie. Oui, et des mois de psychogénéalogie.
Natacha : Merci. Qu’est-ce que l’on appelle la psychogénéalogie ?
Invitée : En fait, c’est se pencher sur son histoire familiale, l’explorer, les drames, les secrets, les non-dits, les deuils qui n’ont pas été résolus, les événements traumatiques, et ça pour éviter justement de les répéter, pour enrayer les répétitions. Puisque parfois, dans nos propres angoisses, dans nos propres souffrances, on peut les expliquer en allant voir les souffrances de nos aïeux.
Sophie : Tout à fait, c’est ça, la psychogénéalogie. Est-ce que vous étiez déjà intéressée par votre passé avant que ces questions se posent ?
Invitée : Néanmoins, est-ce que l’histoire de votre famille, de vos ancêtres, de vos grands-parents, ça vous intéressait avant ?
Sophie : Ah oui, ça m’a toujours intéressé, c’est vrai. Je me suis toujours posée beaucoup de questions. J’ai toujours été intéressée par la vie de ma famille. On a tous grandi dans le Jura, de génération en génération, et du coup, voilà, il y a une tradition familiale assez riche et ça m’a toujours intéressée.
Sophie : Quel genre d’enfant étiez-vous ?
Invitée : À moi, j’étais une enfant plutôt grave. Enfin, on dit de moi que j’étais une enfant pas très souriante, un peu son so. La vie, c’était vraiment quelque chose de sérieux.
Sophie : Vous ressentiez quoi quand vous étiez petite ?
Invitée : Vous dites que vous étiez une enfant grave en effet, avec une solennité aussi un peu dans le regard. Mais c’est surtout cette photo que c’est frappant, les traits tristes. Je ne peux pas dire que j’ai été triste, mais je pense que je prenais la vie très au sérieux. Je sentais qu’il y avait plein de choses à faire et qu’on n’était pas là que pour s’amuser.
Sophie : Vous posiez des questions avec un ton de conversation un peu en décalage avec votre entourage ?
Invitée : Oui, je posais des questions qui parfois perturbaient un peu mes parents.
Sophie : Voici ce qu’ils m’ont raconté. Quel genre de questions posiez-vous ?
Invitée : Voilà, pas mal de questions existentielles. En fait, étant si petite, on allait me regarder quelques images de mon enfance pour comprendre à quel moment la grande question s’est posée.
Sophie : Regardez, Sophie voit le jour en 1978. Ses parents sont fous de joie, leur petite fille a plein de qualités : calme, douce, mais aussi curieuse. Elle a tout d’une enfant sage et réfléchie. En grandissant, elle a cueilli sa petite sœur avec amour et montre l’exemple en étant excellente à l’école. À 7 ans, Sophie découvre dans son livret de famille l’existence d’un petit garçon nommé Bertrand, né deux ans avant elle. Sa maman lui révèle alors que son grand frère est mort à la naissance. Malgré son jeune âge, la jeune fille comprend que la douleur ressentie par ses parents est infinie. Elle se mure dans un silence et enfouit ce triste secret au fond de sa mémoire. À partir de cet instant, Sophie adopte un look garçonne et souhaite plus que tout plaire à ses parents.
Invitée : C’est émouvant, parce que oui, c’est une découverte fortuite avec une histoire de livret de famille que vous devez apporter à l’école. C’est ainsi que vous découvrez l’existence de ce grand frère. Si cela vous avait questionnée votre maman juste après ?
Sophie : C’est mon professeur ou c’est moi qui ai vu, du haut de mes sept ans, le prénom que je ne connaissais pas dans ma famille. Mais comme elle m’avait donné le livret de famille pour que je l’amène à l’école, j’étais curieuse et j’ai vu le prénom Bertrand. Ma mère était dans la pièce et je lui disais : « Mais en fait, c’est Bertrand ? » Et là, je vois qu’elle commence à verser des larmes. Elle me dit qu’il y avait eu un enfant avant moi, qu’il est mort à la naissance, et elle sort de la pièce. Mon père, qui était là aussi, s’en va. J’ai vraiment tout de suite compris qu’il ne fallait plus jamais en parler, que c’était un sujet tabou, synonyme d’immenses souffrances.
Sophie : Ma sœur m’a raconté récemment que je ne me souvenais pas qu’elle m’avait dit qu’on avait un frère, mais qu’il ne fallait jamais en parler aux parents parce que c’était trop triste. Mais vous êtes restée avec des interrogations parce que votre sœur vous disait juste que vous aviez un frère sans expliquer pourquoi il est mort.
Invitée : C’est difficile pour une petite fille de 7 ans d’avoir cet embryon de réponse. Ce mot n’est pas choisi au hasard, mais c’est compliqué parce que ça vous laisse plein de questions. Ça me laissait plein de questions, mais je pense que comme j’avais compris que c’était trop douloureux, j’ai vraiment refoulé ça dans un coin de ma tête et je n’y ai plus pensé pendant des années.
Sophie : Vous l’avez refoulé, mais les images soulignent de plus en plus que vous avez commencé à adopter un look de garçonne. Il y a eu un moment, effectivement à 9 ans, où d’un coup, j’ai eu des longs cheveux, puis je les ai coupés très courts, comme si quelque chose voulait poser des questions, indirectement.
Invitée : Est-ce qu’à ce moment-là, vous avez compris que vous étiez ce qu’on appelle un enfant de remplacement et que vous deviez remplir le vide laissé par votre petit Bertrand ?
Sophie : Je pense que je n’ai pas compris du tout à ce moment-là. Par contre, j’ai été une enfant parfaite. J’étais toujours la meilleure à l’école, j’avais les meilleures notes, je ne posais jamais de problèmes. Il fallait avoir une fille et un garçon en même temps, et je faisais en sorte que mes parents n’aient pas de souci avec moi.
Sophie : En plus, avec moi, il fallait combler le chagrin de vos parents. Ils avaient un peu oublié leur tristesse, et ça continuait. Après, quand vous avez quitté l’école, vous avez voulu faire des études ?
Invitée : Oui, j’ai fait une école de commerce et j’ai avancé. J’étais toujours dans les meilleurs de la classe, mais petit à petit, j’ai eu le sentiment que je ne comprenais pas ce que je faisais là. Je ne me sentais pas du tout à ma place, c’était pas ma vie. Je pensais régulièrement à Bertrand, mais je l’avais rangé dans un coin de mon cœur et de ma tête. Je n’y pensais plus très rarement.
Sophie : À quel moment ce grand frère est-il ressurgi dans votre vie ?
Invitée : Quand j’ai eu ma fille, Alix. J’avais 28 ans. Elle pleurait tout le temps. On est allé de médecin en médecin sans trouver de cause médicale exacte pendant dix ans. Finalement, je suis allée voir une ostéopathe qui a manipulé Alix et qui m’a dit qu’il y avait beaucoup de morbidité chez ce bébé. Elle m’a révélé qu’il y avait un enfant mort dans la famille. Là, d’un coup, je me suis souvenue de l’histoire de Bertrand et je lui ai dit que ma mère avait perdu un enfant avant moi.
Sophie : C’est un sujet extrêmement fort, un peu culpabilisant aussi ?
Invitée : Non, pour moi, c’est un cadeau. Ce jour-là, ma mère m’a révélé ma vérité. Du coup, j’ai décidé d’aller voir ma maman et d’avoir le courage de me reparler avec elle. Il y avait encore beaucoup d’émotion chez elle. Elle ne pouvait pas prononcer le nom de mon frère sans pleurer. Elle m’a dit qu’elle ne savait pas ce qui était arrivé, qu’il y avait eu une péridurale en 1976 et qu’à cette époque, les femmes ne dormaient pas complètement à cause de la césarienne. Elle n’a pas vu l’enfant, elle n’en a rien dit de plus. Mon père avait vu l’enfant, mais il ne pouvait pas en parler. C’était trop douloureux.
Sophie : C’est terrible de perdre un enfant sans savoir pourquoi, sans l’avoir vu.
Invitée : Oui, c’est une souffrance effroyable. Je me suis dit qu’il fallait vraiment que je sache ce qui s’était passé pour pouvoir l’expliquer à ma fille. J’ai enquêté, mais mes grands-mères ne savaient rien. Personne ne savait. Finalement, la fin de l’histoire est arrivée quelques années plus tard. Ma grand-mère, qui allait mourir, j’ai décidé de lui demander la vérité. Elle m’a expliqué que mon frère avait des malformations au niveau du visage et du thorax, qu’il n’était pas viable. Elle n’a pas souhaité en parler davantage pour ne pas ajouter de la douleur.
Sophie : C’est un immense soulagement de connaître la vérité. Comment avez-vous réagi après avoir découvert cela ?
Invitée : C’était un immense soulagement. J’ai trouvé le courage de me libérer de la fonction de remplacement que j’avais endossée inconsciemment. J’ai complètement changé de métier et je suis devenue psychogénéalogiste pour accompagner les autres dans ce même travail de libération.
Sophie : Comment vous réappropriez-vous l’histoire de ce frère que vous n’avez pas connu ?
Invitée : Il ne s’agissait pas de se réapproprier, mais de se libérer de cette présence qui m’accompagnait partout. J’ai fait des actes symboliques, comme écrire des lettres et les laisser partir. Cela m’a permis de lâcher prise.
Sophie : Quel est le moteur de ceux qui viennent vous voir ?
Invitée : Ils savent qu’ils portent quelque chose sans en comprendre la raison. Ils sentent un malaise, une absence d’alignement avec eux-mêmes. Nous les aidons à construire un arbre généalogique détaillé et à explorer leur histoire familiale pour découvrir les liens invisibles.
Sophie : Quels sont les bienfaits de la psychogénéalogie ?
Invitée : Cela permet de recréer des liens familiaux, de pardonner, de trouver sa place au sein de la famille et dans sa vie professionnelle. Cela apporte la paix intérieure en résolvant les conflits hérités des ancêtres.
Sophie : Y a-t-il des dangers à explorer l’histoire familiale ?
Invitée : Oui, il faut être prêt émotionnellement. Il est important de connaître ses limites et de sortir les fantômes du passé pour avancer. Il faut éviter d’induire de faux souvenirs et respecter la formation des thérapeutes.
Sophie : Merci beaucoup, Natacha, pour ce partage enrichissant.
Natacha : Merci à vous de m’avoir accueillie.
Sophie : Merci à tous d’avoir réussi à prononcer le mot que je n’arrive pas à prononcer, fidèle à France 2. Pour ceux qui n’ont pas pu nous suivre en direct, retrouvez nos émissions sur france.tv et écoutez nos podcasts CCA disponibles sur toutes les plateformes. On ne se quitte jamais et ça fait du bien. À tout de suite et à demain !
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